Dr Mariella Villasante Cervello : histoire et politique dans la vallée du fleuve Sénégal Mauritanie. (nouveau livre collectif en préparation)

dim, 12/11/2016 - 19:44

Sous la direction de Mariella Villasante Cervello et de Raymond Taylor, avec la collaboration de Christophe de Beauvais. Publication prévue en mai-juin 2017

Cette publication fait suite à nos études précédentes Groupes serviles au Sahara (2000), Colonisations et héritages actuels au Sahara et au Sahel (2007), dont fut issu le livre Le passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie (2014). Le projet d’élaborer ce livre collectif est apparu très rapidement, car l’on se rendait compte des grandes lacunes historiographiques et conceptuelles de cette partie de l’Afrique de l’Ouest. Le premier appel à contributions fut lancé en 2007, puis réactivé en 2013. Il fut difficile de trouver des contributeurs, tant la région a été délaissée par les chercheurs en raison des tensions et des violences des années 1990 ; nous sommes donc particulièrement reconnaissants à nos co-auteurs qui ont effectué des études dans un contexte politique très difficile.

Notre collègue et ami James Searing devait participer comme co-directeur, mais il nous quitta trop tôt, le 3 décembre 2012 ; un autre collègue historien, Ba Abdourrahmane, et parti trop tôt, lui aussi, en 1996, nous laissant une belle thèse sur l’histoire ancienne du Takrur, dont nous présentons des extraits choisis. Notre livre est dédié à leur mémoire.

Dans cet ouvrage, il s’agit de procéder à un double exercice, d’une part, reconstruire l’histoire ancienne du fleuve depuis la période du Takrur (IVe-Ve-XIe siècles), et, d’autre part, contribuer à la construction de l’histoire régionale de la vallée du fleuve Sénégal mauritanienne, tout en établissant quelques liens avec le Sénégal. Dans ce cadre, ce livre veut être vu comme une contribution à l’inclusion de l’histoire du fleuve dans l’histoire de la Mauritanie, trop influencée par la vision postcoloniale du passé qui prétend que l’histoire mauritanienne se résume à l’histoire des Bidân hassanophones.

Plus précisément, notre perspective combine la vision globalisante de l’histoire de cette région ouest-africaine, en dehors des frontières nationales contemporaines, et, d’autre part, une vision régionale, à partir de l’histoire de la Mauritanie, en voie de construction. Ce choix apparemment paradoxal s’explique par la nécessité de rendre compte de ce que l’historien sénégalais Boubacar Barry (1988) appelle le double processus d’émiettement et d’unification politique, qui sous-tend toute l’histoire régionale entre le XVe et le XXe siècle, en prêtant une attention particulière aux faits d’histoire de la rive droite du fleuve Sénégal et qui restent très mal connus et éparpillés.

Cette situation peut être associée à deux traits qui caractérisent l’historiographie de la vallée du Fleuve Sénégal : le premier est la tendance à fragmenter les reconstructions historiques selon une perspective étroitement ethnique et essentialiste ; le second est la propension à privilégier l’histoire des royaumes ou des émirats dans un cadre colonial et national qui considère, de manière anachronique, que le fleuve est effectivement une « frontière ». Cette manière de voir constitue un héritage négatif de la perspective coloniale, et elle a produit une distinction forte entre les spécialistes qui travaillent de manière exclusive sur l’une des sociétés de la vallée sans tenir compte des histoires des sociétés voisines. Signalons ici que les travaux de Boubacar Barry (1985, 1988) et de Martin Klein (1993, 1998) constituent des exceptions notables à cet état de choses.

 

Les hypothèses de travail

Dans notre livre, nous essayons de présenter des études novatrices et critiques sur l’histoire de la vallée du fleuve Sénégal à partir d’une perspective qui combine le point de vue global et transnational contemporain, avec le point de vue restreint de la rive droite du fleuve, devenue mauritanienne. Il aurait fallu présenter des études sur la rive gauche du fleuve pour compléter le cadre comparatif ; et on aurait aimé également effectuer quelques séjours de terrain dans la région du fleuve, notamment dans la région du Gorgol ; mais cela n’a pas été possible faute de moyens financiers. Nous laissons cette tâche aux jeunes générations de chercheurs.

La perspective générale qui guide cet ouvrage considère qu’il s’agit de reconstruire le passé historique des sociétés ouest-africaines et mauritaniennes, et non le passé colonial de la France dans ces régions. Trois hypothèses guident ce travail collectif.

 

• La première hypothèse considère que les héritages de la colonisation française dans la région du Fleuve Sénégal sont toujours d’actualité et observables dans les champs politique, culturel et économique aussi bien au Sénégal qu’en Mauritanie et au Mali. L’importance de ces héritages nous conduit à souligner la perspective postcoloniale et globale pour la reconstruction de cette histoire régionale dans son contexte national et mondial.

• La deuxième hypothèse considère que c’est la reconstruction historique des sociétés de la vallée du Fleuve Sénégal, qui doit être privilégiée au détriment de la reconstruction de l’histoire coloniale de la France dans la région. Cette dernière tendance est toujours visible dans certains travaux qui accordent une importance démesurée aux faits et aux décisions des colonisateurs et qui apportent très peu à la connaissance de l’histoire des populations du fleuve et de la Mauritanie. Dans la même veine, une autre tendance, observable en Mauritanie, est l’importance accordée à l’étude des « émirats », en les prenant pour des monades politiques fermées sur elles-mêmes et sans aucun lien avec les sociétés africaines voisines. Loin de cette perspective isolationniste, on ne peut pas comprendre les chefferies sahariennes sans établir des relations avec les sociétés du fleuve Sénégal et, plus tard, avec les commerçants européens et métis, et avec les militaires et les administrateurs coloniaux.

• La troisième hypothèse de travail considère que les ethnicités, ainsi que les relations de parenté parmi les sociétés du fleuve Sénégal, ne sont pas plus figées dans le temps qu’elles ne constituent des « traces archaïques » du passé. La parenté et les ethnicités sont considérées plutôt comme des sources des identités sociales locales transformées par la colonisation française et, plus tard, par la création des États-nations sénégalais, malien et mauritanien. De nos jours, les ethnicités et l’adhésion aux lignages et aux groupes de parenté (qabâ’il, sg. qabîla), coexistent avec les identités nationales en voie de construction, sans que cela implique par ailleurs une seule adhésion nationale. Ici comme ailleurs, les populations résidant près des frontières nationales récentes adhèrent aux deux « nations » nouvellement inventées.

 

Sommaire

 

Liste des photos, des gravures, des cartes postales et des cartes

Note sur la transcription et sur les choix éditoriaux

Lexique des mots vernaculaires, des toponymes et des personnalités

 

Introduction

Mariella Villasante, Raymond Taylor, Christophe de Beauvais

Les auteurs

Remerciements

 

Première Partie

hiérarchies sociales, échanges et colonisation

Chapitre 1

Le Takrur historique et l’héritage du Fuuta Tooro. L’histoire politique ancienne du fleuve Sénégal, VIII-XIIIe siècles

Abdourahmane Ba

 

Chapitre 2

Saint-Louis et le système économique du fleuve Sénégal. Le commerce de la gomme arabique et des esclaves

Martin A. Klein

 

Chapitre 3

L’esclavage et le commerce d’esclaves dans le Bas Sénégal (Waalo), XVIII-XIXe siècles. Esclaves d’ancien régime, esclaves-travailleurs et esclaves-paysans

 

James F. Searing

 

Chapitre 4

Habitants, guerriers et administrateurs coloniaux aux escales du Fleuve Sénégal et à St Louis au milieu du XIXe siècle. La crise politique à l’Escale du Coq, 1848

Raymond M. Taylor (a)

 

Chapitre 5

Les frontières coloniales et leur imposition dans la vallée du fleuve Sénégal,

1855-1871

Raymond M. Taylor (b)

 

Deuxième Partie

 

hiérarchies, modernité et violences contemporaines

 

Chapitre 6

La constitution de la région du Gorgol (Fuuta Tooro) dans le contexte colonial mauritanien. La cité de Kaédi, carrefour des cultures

Abdoul Dicko

 

Chapitre 7

Hiérarchies, groupes serviles haalpulaar’en et les petites servantes (korgel)

à Kaédi, Gorgol

Ousmane Kamara

 

Chapitre 8

 

Rendre compte des faits de 1989 en Mauritanie : violence extrême et récits de victimes

Sidi N’Diaye

 

Chapitre 9

L’assistance aux refugiés Mauritaniens au Sénégal. Tensions foncières, migrations et transformations identitaires

Marion Fresia

 

Chapitre 10

Régime de terres et bouleversements fonciers contemporains chez les Halayße du Fuuta Tooro

Amadou Oumar Dia

 

Chapitre 11

La politique éliminationniste du régime de Taya contre les Haalpulaar’en et la démocratie militaire, 1986-2016

Mariella Villasante Cervello

 

Annexe 1, Cartes du fleuve Sénégal, XVIe-XXe siècles

Annexe 2, Chronologie, XI-XXIe siècles

 

Fichier:FoutaToro1818.jpg

 

L’armée du Fouta Toro en marche, Ambroise Tardieu, in Gaspard-Théodore de Mollien, Voyage dans l’intérieur de l’Afrique : aux sources du Sénégal et de la Gambie, fait en 1818 par ordre du gouvernement français. Paris, Bertrand, 1822.

 

* Source : https://www.academia.edu/30314986/A_propos_de_lhistoire_et_du_présent_en_Mauritanie

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